Normand Rajotte-Canada-
Photographe autodidacte, Normand Rajotte amorce sa pratique photographique au milieu des années 1970 dans la foulée des groupes qui, au Québec, renouvellent l’esthétique documentaire. En 1978 paraît, aux Éditions Ovo, Transcanadienne Sortie 109, un essai sur le quotidien d’une ville ouvrière dont il est co-auteur. C’est l’un des rares projets à faire l’objet d’une publication à l’époque.
Parcourant la forêt, il en explore la texture dense et touffue, y repère des empreintes qui révèlent la présence d’une vie mystérieuse et qui animent la surface du sol, que ce soit celles d’animaux, celles du passage du temps. Ainsi, dans une approche qui laisse toute la place à l’intuition, il prend pour guide les méandres des cours d’eau, là où se trouvent les milieux humides qui favorisent l’inscription de traces éphémères qu’il répertorie à la manière de l’archéologue pour en fixer l’histoire. Rarement intervient-il dans les phénomènes qu’il observe. Parfois, dans ses images, l’empreinte de ses pas croise celle de l’oiseau ou du mammifère. Parfois, d’un geste, il brouille la surface de l’eau et crée l’événement. «L’eau me fascine, confie Rajotte. Par son silence, souvent elle me donne le vertige.»
Plus récemment, à l’intérieur de l’espace qu’il s’est fixé, Rajotte a porté son attention sur la végétation de jeunes forêts issues de friches, là où règne un foisonnement intense apparenté au chaos. Patiemment, il élabore ainsi une vision intimiste du territoire. Regarder ces images, c’est refaire avec lui un parcours méditatif, pénétrer la substance même du paysage, s’initier à son étrangeté. L’œuvre de Rajotte renoue avec une dimension primitive du rapport à la nature et rejoint par là de grands thèmes de la poésie romantique.
Depuis la fin des années 1970, la qualité de son travail a été soutenue par de nombreuses bourses du Conseil des Arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec. Ses œuvres figurent dans plusieurs collections particulières et publiques au Québec et au Canada.
Normand Rajotte vit à Montréal et travaille principalement en Estrie.
"La plupart du temps, nous, artistes en arts visuels, travaillons en solitaire.
C’est particulièrement vrai pour moi. La solitude, je connais, je travaille en forêt. Depuis 1997, année où mes frères et moi avons acquis un boisé de 100 acres au pied du mont Mégantic (Cantons de l’Est), j’ai choisi d’explorer un territoire de quelques kilomètres carrés entourant notre lot. Territoire que depuis je revisite avec constance, année après année, saison après saison. Marchant sur mes pas, j’y arpente les mêmes endroits en photographiant des phénomènes qui m’intriguent ou m’émeuvent. Je suis témoin de l’évolution des lieux et, en parallèle, mon regard évolue avec eux.
Rien de mieux si l’on veut voir le changement que de rester sur place. Avec ma caméra, je découpe le sol de près pour enregistrer les marques de ce qui se passe ou s’est passé : empreintes d’animaux et d’humains, avancées de la végétation, variation de la lumière... En somme je photographie l’éphémère. "